Le Pleurodele


SYSTEMATIQUE

CLASSE: Amphibiens
ORDRE: Urodela (caudata)
FAMILLE: Salamandridae
GENRE: Pleurodeles
ESPECES: Pleurodeles waltl(ii) (ouest et sud de la péninsule ibérique, ouest et centre du Maroc)
Pleurodeles poireti (Algérie, Tunisie)

INTRODUCTION

Un membre du Véliféra, Thierry, employé dans un magasin d’aquariophilie, avait reçu d’un client voulant s’en débarrasser, un couple de “tritons”. Ceux-ci étaient maintenus dans un bac de présentation, bac non couvert, non planté mais possédant une petite cascade. Dans ces conditions, la femelle pondait régulièrement sur le décor en polyester, sur des racines naturelles… . Voulant conserver les pontes, de “l’ouate” de filtration y a été introduite.
Thierry me demanda d’identifier les batraciens afin de pouvoir vérifier leur bonne maintenance ainsi que la mise à terme de la reproduction.
Les tritons détenus étaient des tritons espagnols, connus sous le nom de Pleurodèle de Waltl.

DESCRIPTION

Ce Pleurodèle est le plus grand triton d’Europe. En effet, sa taille peut dépasser les 30 cm; nos tritons “vulgaires”, les alpestres ont une longueur maximale de 11cm… . Il possède une peau verruqueuse qui est parfois “percée” par des côtes. Ce phénomène lui donna son nom: Pleurodeles.
Leurs couleurs sont de teintes sombres. Ainsi, le dos est brun-noir et moucheté de gris; le ventre, lui, est plutôt de dominance grise, tacheté de noir. Une ligne formée de petits cercles orangés suit l’extrémité des côtes, toute l’arrête inférieure de la queue est de la même couleur orange.
Si leur tête est proportionnellement petite par rapport au restant du corps, elle est néanmoins large et très plate; deux grosses glandes, glandes dites paratoïdes, viennent s’y ajouter. Les yeux sont petits et ronds
Une différenciation sexuelle est possible durant la période des amours: le mâle présente un coussinet noir au niveau de la face interne des bras; sa queue est plus allongée et plus largement bordée que celle de la femelle.

MOEURS

Ce sont des animaux essentiellement aquatiques. Mais dans son milieu naturel, il se peut qu’en périodes estivales, en cas d’assèchement, il prenne pour habitat, une caverne, le dessous d’une souche ou d’une pierre.
Le Pleurodèle possède deux grands moyens de défense. Le premier consiste à foncer et à présenter sa tête, et, plus spécialement, ces glandes paratoïdes, glandes qui sécrètent une substance très désagréable au goût. Le deuxième est lié à ses côtes: en effet, longues et acérées, ses pointes transpercent la peau, au niveau de tubercules orangés, quand il est capturé. Ce mécanisme antiprédateur est très efficace.
Je n’ai jamais remarqué ce comportement: les touchant, ils s’aplatissaient sur eux-mêmes.

Le Pleurodèle s’accouple dans l’eau tout comme les tritons de nos régions; cependant, le mode de reproduction ressemble plus à celui de notre salamandre de feu. Le mâle doit se glisser en dessous de la femelle; précautionneusement ou par surprise; il enserre, par derrière, avec ses membres antérieurs ceux de sa compagne. Cet accouplement peut durer plusieurs heures ou jours. Ensuite, le mâle dépose un spermatophore. La transmission de ce spermatophore se traduit par la libération d’une patte antérieure de celle-ci; il courbe le corps en direction de la tête de sa partenaire, puis pond son sac. Ensuite, il essayera de l’amener au-dessous du spermatophore afin qu’elle l’absorbe par ses lèvres cloacales.
Elle reste fécondée relativement longtemps. Le nombre d’œufs pondus peut varier entre une bonne centaine et cinq cents selon son âge; plusieurs pontes de huit cents œufs ont toutefois été remarquées. Les pontes peuvent s’étaler sur plusieurs semaines. Les œufs sont très petits et entourés de gélatine. La période d’incubation est rapide et dure une dizaine de jours.
La période de reproduction est située lors des périodes de pluie (de septembre à mai); une période de repos hivernale n’est pas obligatoire; néanmoins, en captivité, si elle est prévue, elle doit commencer relativement tôt dans une pièce non chauffée à une température de 5 à 8°, et durant deux mois (par exemple de novembre à décembre).

OBSERVATIONS EN AQUATERRARIUM

C’était la période d’hiver, et Thierry m’avait donné une quinzaine de larves. Ces larves, grandes comme une tête d’épingle, avaient été transportées dans un petit bocal. La première opération avait été de préparer un aquarium d’élevage d’une vingtaine de litre, avec chauffage (+/- 24 degrés) et système de filtration. Les larves y avaient été placées dans un petit “bac filet” (bac de ponte). A ce stade, ces larves de quelques jours ou heures, n’ont aucune mobilité et ressemblent à celles du Danio. Un peu de mousse de Java leur servait de refuge et de coin à manger: étant donné que la nourriture devait, dans un premier temps, être des micro-organismes tels que des infusoires, et par la suite, des microvers, des artémias…, ils y trouvaient le nécessaire à leurs premiers jours de survie.

Les larves de tritons ne ressemblent pas du tout à celles des anoures (grenouilles, crapauds); ces dernières sont plutôt herbivores (et nettoient très bien les algues), tandis que celles des urodèles sont carnivores.
Le développement des larves est au début très lent; les branchies se développent et lorsque les pattes apparaissent, la croissance s’accélère pour arriver à une métamorphose après trois mois.
Plusieurs pertes ont été enregistrées tout d’abord lors du transvasement et ensuite lors de la poussée de croissance.
Les œufs et les larves de Thierry étaient maintenus dans de l’eau osmosée à la température du magasin d’aquarium; l’acclimatation à l’eau de pluie, la température ou bien, les malformations, le manque de nourriture adaptée ont-elles été les causes des décès? La poussée de croissance est très différente d’un individu à l’autre; ce n’est qu’ultérieurement que j’ai compris que, même si la taille d’un congénère est à peine supérieure à celle de ses comparses, il fallait les séparer tout en regroupant ceux de même gabarit. Etant “carnassiers”, le cannibalisme (inter ou extra espèces) existe à l’état adulte et à l’état larvaire
La maintenance en aquaterrarium est très facile: si le Pleurodèle s’y plaît, il passera la majorité de sa vie dans l’eau et quelques racines émergeantes lui suffiront. Du gravier, planté, suffit. Cet amphibien adore creuser et se cacher sous des galets. Un minimum de 5 litres d’eau et davantage pour un adulte est nécessaire avec une hauteur maximale recommandée de 40 cm. A ce propos, j’ai remarqué durant leur sommeil que restant dans l’eau, ils se maintenaient carrément à la verticale, les narines effleurant la surface.

La nourriture peut être vivante ou surgelée. En surgelé, les tubifex ne sont pas tellement appréciés; en soi cela ne serait rien, sauf s’ils ne polluaient l’eau du bac suite à leur non-consommation.

Les Pleurodèles, tout comme les autres tritons, ont un odorat très développé, même au stade larvaire. Donnez-leur des artémias (surgelés ou non), vous les verrez s’exciter, allant dans tous les sens, sentant tout d’abord la “proie” pour ensuite s’y jeter à grande gueule, secouant tout le corps, comme un requin sur sa victime. Afin de tester leur appétit, après leur métamorphose, j’ai placé dans leur bac des “néons noirs”. Si un ou deux ont disparu (étaient-ils malades?), les autres cohabitent paisiblement avec les “monstres”.

A l’heure actuelle, les trois survivants ont une taille de 15 cm pour bientôt un an. Leur majorité sexuelle est située à partir des 16 mois. La croissance s’effectue par une mue en un seul tenant; cette mue est parfois immédiatement mangée, tout comme j’ai pu le constater chez les tritons granuleux.
J’attends avec impatience de pouvoir déterminer leur sexe afin d’essayer, le cas échéant, d’entamer une nouvelle reproduction.

CONCLUSIONS

Le Pleurodèle est un triton pouvant être maintenu dans un aquarium non chauffé. Cet aquarium doit disposer d’une quantité d’eau suffisante pour l’adulte et aussi d’une partie terrestre.

Le nourrissage ne présente aucune difficulté (surgelé ou vivant); même de petits morceaux de crevettes crues ou d’américain sont appréciés. Il peut même jeûner plusieurs semaines sans dommages (vacances).

Apparemment la cohabitation dans un aquarium d’ensemble pas trop chauffé (24 degrés maximum) avec d’autres petits poissons ne devrait poser aucun problème. S’il ne reçoit pas de nourriture excessive, il y maintiendra un équilibre en dévorant les animaux décédés.

Pierre Demol

Bibliographie
Guide du terrarium par Gilbert Matz; Maurice Vanderhaege (Delachaux Niestlé 1978)
Les Amphibiens et les Reptiles par Stuart McCready (France Loisirs 1986)
Les Amphibiens et les Reptiles par H. W. Parker; Angus Bellairs (Bordas Paris/Montreal)
Les Amphibiens vivants du monde par Doris M. Cochran (Hachette 1965)
Les Batraciens et les Reptiles par Günter Diesener; Josef Reichholf (France Loisir)
Tous les Reptiles et Amphibiens d’Europe en couleurs par E. N. Arnold; J. A. Burton (Elsevier)